A moins de quatre mois de l’élection présidentielle, l’électeur de centre-gauche peut être intéressé par trois candidats déclarés ou potentiels : Manuel Valls, qui se présente à la primaire de la gauche socialiste et de ses alliés, François Bayrou, le centriste, qui entretient le doute sur sa candidature, et Emmanuel Macron, candidat déclaré ne se revendiquant ni de gauche ni de droite. De ces trois personnalités, laquelle est en fait la plus à gauche ? C’est à l’aide de notre grille d’analyse que nous allons tenter de répondre à cette question.
Manuel Valls
Avec ses critiques sur les 35 heures ou sur l’ISF, la « politique de l’offre » mise en œuvre par son gouvernement et la loi Travail, M. Valls se positionne du côté « libéral » de l’axe économique et social. Son libéralisme économique reste cependant mesuré : il ne va pas, par exemple, jusqu’à la privatisation des services publics ou l’assouplissement de la régulation des marchés financiers.
Pour ce qui est des manières de vivre, il se situe du côté « laisser-faire », comme la plupart des socialistes (mariage pour tous, gratuité de l’IVG…), mais sans vraiment s’éloigner des positions centristes, comme l’illustre son refus d’envisager toute possibilité de dépénalisation du cannabis.
Enfin, sur les questions d’identité et de responsabilité, tant comme Premier ministre que comme ministre de l’intérieur, il a donné des gages aussi bien à la gauche qu’à la droite. A la gauche, en acceptant une réforme (certes édulcorée) de la justice des mineurs initiée par Christiane Taubira, et une réforme du collège « de gauche » en terme de politique éducative (voir l’article « Retour sur la réforme du collège ») ; à la droite, par sa politique sécuritaire, ses déclarations sur les Roms (« les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie ») ou sur le terrorisme (« Expliquer, c’est déjà un peu vouloir excuser »), ou bien encore par sa défense de la déchéance de la nationalité voulue par F. Hollande (auquel un article a été également consacré). Il se positionne ainsi au centre sur cet axe.
Emmanuel Macron
Emmanuel Macron se revendique « libéral », et cela se ressent d’abord, bien sûr, dans ses positions sur l’économique et le social : favorable à l’assouplissement du droit du travail ou à la déréglementation des professions réglementées, opposé à la taxe à 75% sur les très hauts revenus… Mais ce libéralisme est tempéré par son souci de développer des protections contre les aléas des parcours professionnels, ce qui le distingue des « libéraux » classiques.
Sur les manières de vivre, il assume également ses convictions « libérales » : contre l’interdiction du voile à l’université, pour un débat sur la dépénalisation du cannabis. Mais ses déclarations sur ces sujets sont peu nombreuses, et il est difficile de le positionner plus précisément qu’ « à gauche ».
Concernant les questions d’identité et de responsabilité, il n’était pas favorable à la déchéance de nationalité, et à propos du terrorisme islamiste, il s’est opposé à M. Valls en parlant de « terreau sur lequel les terroristes ont réussi à nourrir la violence » et de responsabilité collective (prépondérance du « contexte », donc). Par ailleurs il défend l’accueil des réfugiés, mais estime que les déboutés du droit d’asile doivent être reconduits à la frontière. Ces positions le situent à gauche de l’axe, mais pas très loin du centre : il reste un « libéral », pour qui la responsabilité individuelle est aussi une valeur forte.
François Bayrou
François Bayrou personnifie le « centre » à la française : à égale distance de la gauche et de la droite sur à peu près tous les sujets, mais choisissant le centre-droit plutôt que le centre-gauche quand l’alternative se présente à lui.
Il est au centre sur l’économique et le social.
Il est au centre sur les manières de vivre.
Mais lorsqu’on en vient à ses convictions fondamentales sur la nature des individus (prépondérance du « contexte » ou prépondérance de la « naissance »), là il penche très légèrement à droite, ce qu’illustre par exemple sa position sur la déchéance de nationalité que, lui, aurait votée.
Au total, les profils politiques de M. Valls, E. Macron et F. Bayrou sont les suivants :
Manuel Valls
Emmanuel Macron
Ainsi, sur les questions économiques et sociales, François Bayrou est le seul qui ne penche pas du côté du libéralisme : sans être « à gauche », c’est le moins « à droite » des trois.
Sur les manières de vivre, même s’il n’y a pas de certitude concernant le positionnement d’Emmanuel Macron, il semble que celui-ci soit plus « à gauche » que Manuel Valls, qui lui-même est plus « à gauche » que F. Bayrou.
Et sur les questions d’identité et de responsabilité, là aussi c’est E. Macron qui l’emporte : lui est à gauche quand M. Valls et F. Bayrou sont au centre ou au centre-droit.
A l’arrivée, le plus « à gauche » est donc Emmanuel Macron… si on accorde autant d’importance à chacun des trois axes.
Bravo pour vos analyses et votre travail de fond !
je trouve votre blog tres interessant 🙂
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