On entend souvent que la liberté est une valeur de droite. Pourtant, ces temps-ci, la défense des libertés est le mot d’ordre d’organisations de gauche et d’extrême gauche qui invitent à manifester contre l’état d’urgence. Mot d’ordre assez peu relayé par la droite, il faut bien le reconnaître… C’est peut-être parce que la gauche et la droite ne défendent pas la même « liberté ». A droite, on défend la liberté économique : pouvoir gagner sa vie sans entraves de l’Etat ou des institutions. Alors qu’à gauche, on défend la liberté individuelle : pouvoir vivre sa vie sans entraves de l’Etat ou des institutions. A droite, on défend donc une valeur relative à « l’économique et le social » :
Alors qu’à gauche, il s’agit d’une valeur qui concerne « les manières de vivre » :
Une famille de pensée se retrouve sur ces deux tendances : les libertariens. Bien qu’ils s’en défendent (parce qu’ils ne connaissent pas notre grille d’analyse !), ils sont… de droite. A cause de notre troisième axe, « l’identité et la responsabilité », sur lequel ils se positionnent généralement à droite.
En France, le parti qui représente ces idées est le Parti Libéral Démocrate. Ses sympathisants se répartissent de la manière suivante sur cet axe :
Et le PLD se situe au centre droit : il est aujourd’hui proche de l’UDI.
Finalement, la liberté est peut-être bien une valeur de droite. Mais alors, de peu !
Bonjour,
Politiquement je me définis comme libertarien et effectivement en faisant votre test je suis à droite sur les axes 1 et 3 et à gauche sur l’axe 2. Néanmoins, j’ai quand même du mal à comprendre l’axe 3, par exemple quel est le rapport entre le droit de vote et la nationalité avec la lutte contre la délinquance ?
Aussi, même si j’ai obtenu un résultat très à droite sur l’axe 1 et très à gauche sur l’axe 2, je dirais que tout n’est pas aussi simple et que droite ne signifie pas forcément libéralisme économique tout comme les idées progressistes de la gauche ne sont pas toujours des idées libérales de « laissez-faire », de moins en moins même.
Explications :
– Droite et libéralisme économique : Beaucoup de partis censés être « de droite » ne sont pas très libéraux sur le plan économique et se rapprochent des partis de gauche, et je pense que le libéralisme ainsi que le socialisme n’existent plus (ou très peu) sur la scène politique actuelle car on assiste actuellement à une espèce de pensée unique sur le plan économique étant donné que la quasi-totalité des partis (même ceux de droite) sont sociaux-démocrates, ce qui est tout de même une branche du socialisme mais très modéré. C’est un des nombreux défauts de la social-démocratie : il n’y a plus beaucoup de différences entre gauche et droite, hormis sur quelques questions de société, et encore.
– Idées progressistes de la gauche et « laissez-faire » libertarien : De prime abord on peut parfois confondre les idées progressistes de la gauche avec le libéralisme sociétal mais que nenni ! Si les idées progressistes de la gauche peuvent parfois converger avec les idées libérales sur le plan sociétal, comme avec la légalisation des drogues, le mariage homosexuel, etc, elles n’ont pas du tout le même but ni le même cheminement ! La gauche le fait par opposition au conservatisme et pour promouvoir une idée de société, il y a donc un fort constructivisme car elle s’oppose à certaines libertés comme la liberté religieuse notamment, jamais vous ne verriez un libertarien dire par exemple que les femmes musulmanes ne peuvent pas porter de voile en public « au nom de la laïcité », tout comme vous ne verriez jamais un libertarien dire que les crèches de Noël sont une atteinte à la laïcité ! Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, mais c’est pour montrer que l’idée de laïcité et de liberté religieuse varie complètement entre l’idée que s’en fait la gauche et l’idée que s’en fait un libertarien. Un libertarien est pour la neutralité TOTALE de l’Etat face à la religion, ce qui veut donc dire que toute personne voulant pratiquer sa religion a la liberté totale de le faire du moment qu’elle ne porte pas atteinte aux autres ; tandis que la gauche a une idée de laïcité assez étrange selon moi étant donné qu’elle veut limiter de plus en plus l’expression religieuse, on se dirige de plus en plus vers un athéisme d’Etat (et non une neutralité de l’Etat face à la religion, c’est très différent !), ce qui est extrêmement liberticide (et je tiens à préciser que je suis un athée convaincu).
Autre exemple qui marque le conflit entre les idées progressistes de la gauche et les idées libertariennes sur le plan sociétal : les lois anti-discrimination ! Qui imposent en fait une discrimination positive, souvent envers les femmes, les homosexuels, les étrangers, etc. Un libertarien ne tolèrerait jamais ce genre de privilèges étatiques.
En résumé, la gauche est progressiste sur les questions de société et s’oppose aux conservateurs, tandis que le libertarianisme est par principe COMPLETEMENT neutre sur les questions de société et s’il ne prend pas parti entre les conservateurs et les progressistes (laissant chacun vivre sa vie comme il l’entend) il ne s’oppose pas non plus ni à l’un ni à l’autre, ce qui explique les différences de conception de la liberté religieuse entre un gauchiste et un libertarien. Malgré tout, ce laissez-faire libertarien se rapproche quand même globalement plus de la gauche sur le plan sociétal car la gauche reste malgré tout globalement plus libérale que la droite sur les questions sociétales, tout comme la droite reste globalement légèrement plus libérale que la gauche sur les questions économiques, mais de part et d’autre elles le sont de moins en moins et je tenais à le signaler !
Voilà, c’était long mais votre article m’a interpellé donc ça m’a donné envie de développer 😉
Bonjour,
Merci beaucoup de votre commentaire.
Pour répondre à votre première interrogation (quel est le rapport entre le droit de vote et la nationalité et la lutte contre la délinquance ?), le point commun entre les deux réside dans l’importance qu’on accorde au contexte dans ce qui fait de nous ce que nous sommes. Droit de vote et nationalité sont plus facilement accordés aux étrangers si on considère que les années qu’ils ont passées « chez nous » suffisent à en faire des membres à part entière de la communauté nationale. Les moyens de lutter contre la délinquance ne sont pas les mêmes selon qu’on considère que c’est le contexte (la misère, l’exclusion, les ratages de l’éducation…) qui explique la délinquance, ou bien que la responsabilité en revient d’abord aux individus eux-mêmes. Pour davantage d’explications, je vous renvoie à la page Les trois axes gauche-droite.
Concernant la gauche et la liberté religieuse, il me semble qu’il y a plusieurs « gauches ». Or la plus radicale sur les manières de vivre est, tout autant que les libertariens, favorable à un laisser-faire absolu. Les réponses au Politest sur la religion l’illustrent bien : près de 40% des personnes qui se déclarent « à gauche » ou « à la gauche de la gauche » choisissent « On doit accepter tous types de pratiques religieuses dès lors qu’elles sont librement consenties, même lorsqu’elles paraissent choquantes aux yeux de certains ». Par ailleurs, souvenez-vous, en 2010, une candidate voilée s’était présentée aux élections régionales sous les couleurs du NPA.
Enfin, pour les lois anti-discrimination, la question est complexe car elle met en jeu, en plus des valeurs sur les manières de vivre, celles liées à l’identité (le 3ème axe, donc). Je vous soumets alors une hypothèse : est-ce que, si les libertariens ne se retrouvent pas dans ces idées « de gauche », ce ne serait pas parce que, justement, ils ne sont généralement pas « de gauche » ?
Désolé pour le temps de réponse. Alors oui évidemment, il y a à ma connaissance très peu de libertariens qui déclarent être de gauche (sauf si on parle des libertaires, qui eux sont clairement à gauche voir à l’extrême-gauche, mais qui ont des idées complètement opposées au libertarianisme, seul le nom est ressemblant), en particulier sur les axes 1 (économico-social) et 3 (identité & responsabilité) si on utilise votre grille de lecture, mais personnellement dans l’absolu je ne me considère pas non plus
comme étant de droite… Je pense que le positionnement gauche-droite dépend avant tout des contextes historiques et géopolitiques, une idée peut bien être par exemple très à gauche à un endroit ou à un moment précis tandis qu’à un autre endroit/moment cette même idée sera considérée comme très à droite. Je pense donc que se définir juste comme « de gauche » ou « de droite » ne veut rien dire et n’a aucun sens, et c’est l’erreur que font beaucoup je trouve, en revanche se définir d’abord comme proche d’une idéologie que ce soit libertarien/libertaire/socialiste/communiste/conservateur, etc et seulement ensuite, en analysant le contexte politique actuel, se placer sur l’axe gauche-droite, c’est plus sensé je trouve. Et donc, ceci étant dit, même si dans l’absolu je ne suis pas de droite je considère quand même qu’actuellement en Europe et en France la droite est en général plus à même que la gauche pour accepter les idées libertariennes, donc effectivement je me sens plus proche de la droite, mais ce n’est qu’une question de période et d’endroit peut-être que dans 20/30 ans ce sera la gauche qui sera plus réceptive aux idées libertariennes…
A propos de la liberté religieuse, oui il y a bien sûr une bonne partie de la gauche de la gauche qui est favorable à une liberté totale sur ce point-là et aucune intervention de l’Etat sur la question religieuse, je soulignais simplement que cette question ne fait pas l’unanimité à gauche, où certains sont en faveur d’une liberté religieuse totale tandis que d’autres (généralement la gauche plus modérée) voient les signes religieux comme des atteintes à la laïcité, contrairement aux libertariens qui sont tous d’accord pour dire que l’Etat ne doit pas intervenir dans l’expression de la foi religieuse des individus, tant qu’elle ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui bien entendu 😉
Et ok je comprends mieux votre 3e axe Contexte/Naissance et je le trouve même plutôt pertinent et bien vu en fait 😉 Après, certaines questions du 3e axe peuvent souvent se confondre avec celles du 2e axe (Manières de vivre), ce qui fait que généralement je pense que la plupart des gens qui se situent par exemple à droite sur le 2e axe le seront aussi sur le 3e, comme les gens à gauche sur le 2e le seront aussi sur le 3e en général, même si ce n’est pas toujours le cas (comme avec moi d’ailleurs, je suis à gauche sur le 2e et à droite sur le 3e).
Je voudrais revenir sur le droit de vote des étrangers, sur lequel, alors que vous êtes plutôt à droite sur le 3e axe, vous vous situeriez plutôt à gauche, ce qui est donc en contradiction avec mon analyse. En fait cette question relève de l’identité et de la responsabilité dès lors qu’on considère que les individus s’inscrivent dans une société, avec laquelle ils font, ou ne font pas, corps. On peut alors se demander qui en fait partie, et qui en est exclu. Or chez les libertariens, pour qui il n’y a rien au-dessus de l’individu, il n’y a pas cette conception de la société. Selon eux, un individu de passage quelque part ne fait pas moins partie de la communauté que ceux qui y vivent habituellement… vu qu’il n’y a pas de « communauté ». Il n’y a donc pas de raison qu’il ait moins son mot à dire, par le moyen des élections, que les autres individus. C’est cette différence sur la notion de société qui, selon moi, fait que le 3e axe ne peut pas refléter correctement les positions des libertariens.
Je dirais que c’est plutôt sur la question de l’immigration que les libertariens se situent quasi-unanimement à gauche, encourageant la liberté de circulation des individus, mais sur la question du droit de vote et de la nationalité il y a une division au sein des différents libertariens, certains comme vous le dites se situent plutôt à gauche sur cette question et considèrent effectivement que tous les individus présents sur un territoire appartiennent tout autant les uns que les autres à la communauté, mais d’autres comme notamment le célèbre ex-homme politique américain Ron Paul (qui a été candidat pour le Parti Républicain aux présidentielles de 2008 et 2012) peuvent même carrément aller jusqu’à être contre le droit du sol pour obtenir la nationalité considérant celui-ci comme une incitation à obtenir des aides étatiques.
Et puis les libertariens ne considèrent pas qu’il n’y a pas de « communauté » ni qu’il n’y a que des individus et pas de groupes, simplement que tout groupe/communauté doit être fondé avec le libre consentement de chaque individu qui la compose. C’est pour cela qu’il y a aussi une division au sein des libertariens sur l’idée de Nation, certains la considèrent comme indisociable de l’Etat tandis que d’autres (dont je fais partie) défendent fermement l’idée que Nation et Etat ne représentent pas du tout la même chose et qu’une Nation peut exister avec son histoire commune, ses symboles, ses valeurs, etc, sans pour autant que ceux-ci ne soient imposés par la force, n’adhèreraient à l’idée de Nation que ceux qui seraient en accord avec ces principes.
Il y a aussi certaines questions de société qui ne font pas l’unanimité au sein des libertariens et parmi lesquelles il y a également une division, dont notamment l’avortement car on considère que deux sphères de liberté entrent en contact dans ce cas précis : celle de la mère et celle de l’enfant. Certains libertariens pensent que l’embryon doit être considéré comme un individu dès sa conception donc qu’il a le droit à la vie et que ses libertés individuelles doivent être protégées, ceux-ci privilégient donc la liberté de l’enfant (se situant à droite sur cette question), tandis que d’autres considèrent que la mère est entièrement propriétaire de son corps et que l’embryon ne peut pas encore être considéré comme un individu à part entière, ceux-ci privilégient donc la liberté de la mère sur la question de l’avortement (se situant à gauche). La question étant surtout de savoir à partir de quand considère-t-on qu’un individu est un être humain avec les mêmes droits que les autres. J’avoue que personnellement je n’ai pas vraiment d’avis précis sur l’avortement, hésitant entre la liberté de la mère et celle de l’enfant, à votre test je crois que j’ai répondu que l’avortement doit être légal mais uniquement dans certains cas précis où la vie de la mère est en danger.
Aussi, si je peux permettre, il y a certaines questions qui ne sont pas dans votre test et que pourtant je trouve très importantes, notamment sur le port d’armes et l’intervention militaire à l’étranger, la première pouvant entrer aisément dans l’axe 2 et la seconde dans l’axe 3 (quoiqu’elle est aussi un peu en lien avec l’axe 1 car les interventions militaires à l’étranger impliquent forcément des dépenses de l’Etat), même s’il est difficile de classer ces deux questions sur un axe gauche-droite étant donné qu’on en retrouve des partisans et des opposants dans l’ensemble du spectre politique.
Bonjour,
Comme souvent avec ce genre de test, je me casse la tête sur les questions économiques et sociales. En effet, comme Extremo, on pourrait me dire libertarien car je suis pour limiter au maximum l’intervention de l’État dans la sphère économique et sociale (et idéalement pour l’abolition pure et simple de l’État 😉 ) … mais… je suis en même temps extrêmement favorable à la cause ouvrière, contre l’accumulation capitaliste, contre l’exploitation salariale, contre les délocalisations et les multinationales, pour la solidarité, contre le « mythe » de la responsabilité individuelle de sa propre situation, pour des services publics (mais non-étatiques) efficaces, gratuits et de qualité, pour que les profits des entreprises soient appropriés entièrement par les travailleurs-euses et non les actionnaires (qui n’existeraient d’ailleurs plus dans mon modèle de société), et contre les licenciements collectifs (et plus généralement contre le patronat, les hiérarchies…).
Je suis juste défavorable à ce que ces progrès soient introduits par la coercition d’État, par la loi, par l’interventionnisme. Il me semble qu’il y a un 3ème acteur qu’on oublie, outre le Marché et l’État, c’est la Société civile. Via l’organisation volontaire des travailleurs-euses et des usager-e-s en syndicats, mutuelles, coopératives, associations, etc. sans entrave de l’État, il me semble possible de réaliser tout cela.
On peut faire du socialisme de laissez-faire. Croire le contraire revient selon moi à adhérer à une vision négative de l’être humain-e, incapable (ou presque) de solidarité et de coopération sans y être contraint par une élite vertueuse au pouvoir. Cela omet aussi l’implication de l’État dans l’institution du Marché tel qu’on le connaît, c’est-à-dire le Marché capitaliste. Via les fonctions régaliennes financées par le contribuable, la propriété privée capitaliste est garantie, ainsi que la propriété intellectuelle, et cela distord le fonctionnement spontané des interactions interindividuelles et favorise aussi l’égoïsme. (Je tolère du coup une certaine dose d’intervention étatique dans le domaine économique et social, par pragmatisme et à visée correctrice de ce capitalisme d’État ou de micro-État).