Retour sur la réforme du collège (1)

La sortie du deuxième livre-programme d’Alain Juppé, sur la sécurité, l’immigration et la laïcité, que les observateurs analysent comme un « virage à droite » après son premier livre sur l’éducation, nous donne l’occasion de revenir sur la réforme du collège, que, un peu seul dans son camp, l’actuel favori des sondages à droite n’a pas trouvée scandaleuse. Selon que cette réforme est plus ou moins inspirée par des idées de gauche, le « virage à droite » d’Alain Juppé sera plus ou moins spectaculaire.

Les points les plus discutés de la réforme de N. Vallaud-Belkacem, si on laisse de côté la refonte des programmes (concomitante, mais indépendante de la réforme elle-même), portent sur :

  • les enseignements transversaux,
  • la fin des classe bilangues,
  • la remise en cause de l’enseignement du latin et du grec,
  • une plus grande autonomie des établissements,
  • des moyens annoncés en très légère augmentation.

Ces différentes orientations se rapportent aux grandes thématiques de « l’identité et la responsabilité » d’une part et de « l’économique et le social » d’autre part. Voyons d’abord celles qui concernent l’identité et la responsabilité.

La manière dont on appréhende ce qui fait qu’un individu est ce qu’il est a évidemment une grande influence sur le type d’éducation qu’on souhaite donner aux enfants. La politique éducative dépend donc fortement du positionnement sur l’identité et la responsabilité : prépondérance du « contexte », ou prépondérance de la « naissance » ?

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Tout à gauche de cet axe, on considère que seul le contexte joue, on nie l’influence de la naissance. Dans cette hypothèse, les enfants ont tous le même potentiel au départ, et le rôle de l’école est de trouver les moyens de les faire tous progresser. Tout à droite, à l’inverse, on estime que seule la naissance joue, et que le contexte n’a aucune influence. Dans cette optique, l’école doit accepter les différences de capacités entre les enfants, et leur délivrer, à chacun, les savoirs qu’ils sont en mesure de recevoir. En dehors des extrêmes, à gauche, si on ne nie pas les différences de potentiel entre élèves, on estime que le contexte – essentiellement, la manière dont on enseigne – est malgré tout prépondérant ; à droite, si on ne nie pas que le contexte peut jouer, on estime que ce sont tout de même les capacités des élèves qui font la différence.

Dès lors qu’on estime que le contexte est prépondérant, c’est donc sur les conditions d’apprentissage qu’on va mettre l’accent, pour que tous les élèves aient les mêmes chances de progresser. L’objectif, à gauche, est alors d’élever le niveau général, plus que de viser l’excellence pour les meilleurs. A droite, comme on estime que ce sont les capacités de l’élève qui priment, c’est sur la qualité des savoirs transmis qu’on insistera, plutôt que sur la manière dont on les transmet. En visant l’excellence pour ceux qui en ont les moyens, au risque d’accorder moins d’attention aux élèves les moins prometteurs.

Selon ces critères, la réforme du collège est, dans ses principales mesures, une réforme de gauche. Avec les enseignements transversaux ou l’autonomie laissée aux établissements pour, selon le ministère, développer de « nouvelles modalités d’enseignement », la réforme insiste essentiellement sur la manière d’enseigner. Avec la fin des classes bilangues, au profit de l’enseignement d’une deuxième langue vivante dès la 5ème pour tous les élèves, ou la remise en cause du latin et du grec, elle privilégie l’élévation du niveau moyen au détriment de l’excellence pour certains. Des mesures qui sont toutes inspirées par la conviction que le « contexte » est plus important que la « naissance ».

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2 réflexions au sujet de « Retour sur la réforme du collège (1) »

  1. Laurent Cald Auteur de l’article

    Finalement, les classes bilangues vont être en partie maintenues. La réforme sera donc un peu moins « de gauche » que prévu.

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